Depuis sa nomination comme Ministre-Gouverneur du District Autonome d’Abidjan en décembre 2023, Cissé Ibrahima Bacongo s’est lancé sans attendre, dans une vaste opération de lutte contre le désordre urbain, l’insalubrité en vue de l’assainissement des 13 communes de sa zone de compétence.
Cette action a débuté par le déguerpissement des emprises des voies d’accès de l’autoroute du nord, précisément dans le quartier Gesco. Après cette étape, ce fut successivement le tour des quartiers de Boribana et de Banco, Adjamé-Village, puis les magasins situés aux alentours de la grande mosquée Salam d’Adjamé. Ces temps-ci, le Ministre-Gouverneur du District Autonome d’Abidjan a orienté son action en direction des emprises du cimetière de Williamsville, situé dans la commune d’Adjamé.
A l’annonce de l’arrivée des bulldozers dans leur quartier, les riverains ont vécu dans une stupeur mêlée à la crainte de devoir partir définitivement des lieux du jour au lendemain. Pour les populations de la zone c’est la désolation qui se lit sur tous les visages.
«Nous sommes livrés à nous même car nous n’avons pas les moyens actuellement de déménager», explique Konaté Fanta, commerçante.
Quand Gogbé Kallet Francis assure lui que : «Tout ça, c’est de la mascarade. Ils veulent nous jeter à la rue avec nos enfants en pleine rentrée scolaire. Est-ce que cela est normal ? » Interroge-t-il.
«Je n’ai jamais été d’accord avec ce que le District d’Abidjan fait, car ça augmente la pauvreté dans notre pays et il y aura trop de clochard et des SDF », prévient Z. Apollinaire.
Un autre ajoute que : « Le District d’Abidjan outrepasse ses droits et veut faire du forcing en toute illégalité dans la mesure où les habitants vivent sur ces terres depuis 50 ans au moins pour la plupart, autrement dit depuis la création du cimetière ».
Il ajoute que : «Notre présence sécurise les lieux et c’est grâce à nous que le corps de Nabintou Cissé, la maman du Chef de l’Etat n’a pas été déterré, lorsque, il y a plusieurs années, des vandales sont venus nuitamment pour essayer d’extraire le corps pour des raisons obscures ».
Selon Kassoum Soro, «Le gouvernement s’appuie sur le décret 63-170 du 18 avril 1963, portant règlementation des opérations d’inhumation, d’exhumation et de transport des corps et du service des pompes funèbres modifié par le décret 75-200 du 26 mars 1970».
Il poursuit que ce décret prévoit clairement en son article 2, ceci : «Il y aura, hors des agglomérations visées à l’article premier, à la distance de 500 mètres au moins des limites de l’agglomération, des terrains spécialement consacrés à l’inhumation des morts. Toutefois, quand les circonstances l’exigeront et sous réserve que les agglomérations soient pourvues d’eau potable sous pression alimentant toutes les maisons à moins de 100 mètres de distance de leur cimetière, il pourra à titre exceptionnel, être procédé à la réduction ou même à la suppression de cette distance par arrêté conjoint des ministres de l’Intérieur et de la Santé publique. Ces règles ne s’appliquent pas aux locaux d’habitation du gardien du cimetière ni aux locaux professionnels des entreprises commerciales et industrielles de caractères funéraires (pompes funèbres, marbreries, etc.) à condition qu’ils soient pourvus d’eau potable sous pression».
Il poursuit qu’à travers les dispositions de cet article, le Ministre-Gouverneur ne peut aucunement les faire partir de leurs habitations. Toute chose que botte en touche le directeur de la communication du District Autonome d’Abidjan, Baba Coulibaly.
Joint au téléphone, il informe que tous les habitants ont reçu une mise en demeure depuis un moment et ils savent qu’ils devront évacuer les lieux. Il ajoute, péremptoire : «Aucun habitant des alentours du cimetière de Williamsville ne détient un ACD légal».
Faisant référence au décret cité plus haut, il revient sur le même article 2 précisant ceci: « Il y aura, hors des agglomérations visées à l’article premier, à la distance de 500 mètres au moins des limites de l’agglomération, des terrains spécialement consacrés à l’inhumation des morts ». Il s’empresse d’ajouter qu’ «Il est impératif de faire respecter cette disposition de la loi afin de permettre aux morts de se reposer comme il se doit car les morts et les vivants ne peuvent cohabiter au quotidien».
Toujours selon toujours Baba Coulibaly l’espace qui sera déguerpi sera aménagé, éclairé et sécurisé. A la question de savoir ce que deviendront les populations à déguerpir, le directeur de la communication du district autonome d’Abidjan reste évasif sur la question, estimant que «Nous verrons si nous pouvons faire quelque chose pour elles ».
Pour rappel le cimetière de Williamsville créé en 1968 a été fermé par le District Autonome d’Abidjan depuis le 17 février 2021 en vue de sa réhabilitation, pour deux raisons principales : les espaces réservés aux inhumations sont saturés et les infrastructures sont dans un état de vétusté très avancé.
A noter que cette décision ne concerne pas les inhumations sur les terrains réservés et les carrés affectés aux communautés villageoises d’Agban-village et d’Abidjan-Adjamé. Si le nombre des familles de cette zone n’est pas totalement défini, il est notoire que plusieurs sous-quartiers dont Watt-City, Azito, Derrière-Cimetière et bien d’autres sont nés, se sont développés au fil du temps, et sont constitués essentiellement de parents des travailleurs du cimetière et des activités annexes. On estime ces populations à plusieurs centaines de milliers de familles qui sont jetées à la rue sans aucune autre forme de procès. Ainsi va la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara.
Koné Seydou de Balzac