• L’histoire d’un collège en péril depuis sa création
Ce mardi 24 septembre 2024, il était quasiment impossible d’avoir accès à l’intérieur du collège moderne de l’aéroport, un établissement public situé dans les environs de l’aéroport international d’Abidjan, dans la commune de Port-Bouët. Une manifestation de parents et d’élèves, dès 6 h du matin, bloquait non seulement la voie d’accès à l’établissement mais gênait aussi la circulation dans le sens Derrière-Warf (Cité des douanes) – Aéroport. Les raisons du courroux des manifestants sont d’ailleurs assez graves et méritent d’être portées à l’attention du public et des autorités chargées de l’éducation de ce pays.
Tous ceux qui se trouvaient aux alentours du collège moderne de l’aéroport ce mardi 24 septembre 2024 à l’aube ont dû être surpris d’entendre des adultes et des élèves manifester bruyamment au son de : « on veut professeurs, on veut enseignants ». Selon certains parents d’élèves qui ont pu nous joindre, l’avenir de leurs enfants se trouverait en péril dans ce lycée. « Depuis l’ouverture de cet établissement, le 04 janvier 2020, il y a environ 4 ans, nos enfants passent en classe supérieure sans avoir étudié certaines matières. Nous savons qu’il y a un déficit au plan national d’enseignants, mais que des élèves qui arrivent en classe de troisième n’aient jamais étudié des matières spécifiques comme le français, les mathématiques ou l’anglais, nous trouvons cela extrêmement grave et dangereux pour l’avenir de ces élèves », nous a indiqué un parent qui était à la manifestation. Ce dernier a affirmé que pour l’exercice 2023-2024, à savoir celle de l’année passée, l’établissement en question avait un déficit de 18 professeurs dont plusieurs enseignants manquants pour les matières spécifiques que sont le français, les mathématiques et l’anglais. « Nous nous attendions à des corrections pour cette nouvelle rentrée scolaire, mais voici que bien au contraire, il manque pour l’année scolaire 2024-2025, 20 enseignants selon les informations de la Direction régionale de l’éducation nationale 2 (DREN 2). Cela est inacceptable et face à l’immobilisme des autorités compétentes, nous parents avons pris certaines mesures afin de sauver nos enfants », renchéri dame B.K qui a requis l’anonymat. Cette dame nous a assuré que des élèves depuis leur classe de sixième jusqu’aujourd’hui à celle de la troisième n’ont jamais suivi une matière comme le français ou les mathématiques. « C’est l’échec presqu’assuré pour les examens au BEPC et de facto pour leur orientation en seconde », se désespère-t-elle. Une situation d’échec subie déjà par de nombreux élèves en classe de troisième l’année dernière.
LE DÉCRET N° 2020-997 ET SES INTERPRÉTATIONS
C’est ainsi que de façon coordonnée, ces parents d’élèves – dans le souci de sauver leurs progénitures ont pris à bras-le-corps le problème et conformément à un article du décret N° 2020-997 du 30 décembre 2020 modifiant le décret N° 2012-488 du 07 Juin 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement des Comités de Gestion des Établissements Scolaires Publics (COGES)- se sont cotisés et ont levé la somme de 4 millions FCFA afin de trouver des enseignants vacataires pour combler le déficit relaté plus haut.
Le décret N° 2020-997, en effet à son Article 28 nouveau, supprime les cotisations exceptionnelles COGES au primaire et au secondaire. « C’est sur cet article que s’est appuyé Mme Wognin Koua Célestine, principale dudit collège pour rejeter notre appui et empêcher les enseignants vacataires que nous avons trouvé pour nos enfants d’exercer. Elle nous a fait convoquer à la DREN Abidjan 2 au Plateau pour nous dire que notre proposition était inacceptable. Aucun responsable de cette DREN n’a voulu nous recevoir et nous écouter. On nous a dit que le ministère allait trouver une solution mais, le déficit de 20 professeurs n’a toujours pas encore été comblé. C’est ce refus de considérer nos efforts pour sauver l’année scolaire des élèves et la mauvaise foi évidente des responsables de ce secteur qui a suscité la manifestation de ce jour », justifie notre source.
Des parents qui ont donc lancé des appels à manifester ce matin du mardi 24 septembre 2024 via les réseaux sociaux. Pour leur grande majorité, la position de la principale ne tient pas étant donné que la manifestation du jour n’est pas organisée par le COGES local. C’est selon la plupart des manifestants, un geste désespéré de parents qui constatent que l’avenir de leurs enfants dans ce collège est mis en péril par les autorités en charge de ce département qui, depuis 4 ans n’ont rien fait pour solutionner le problème lié à la pénurie d’enseignants surtout dans des matières aussi importantes que le français, l’anglais et les mathématiques.
Ces parents disent aussi s’appuyer sur l’Article 27 nouveau qui parle de dons et legs qu’on peut faire au COGES afin de manière spécifique aider à la résolution d’un problème. C’est donc ce qui a suscité le don pour trouver des enseignants vacataires aux fins de dispenser des cours aux enfants du collège moderne de l’aéroport qui en ont vraiment un besoin urgent. « C’est un retard presque insurmontable en français, en mathématiques et en anglais pour les élèves en classe de troisième qui passeront l’examen du BEPC en cette fin d’année. Cela nous angoisse et il faut faire quelque chose maintenant », a déclaré sur les réseaux sociaux un des parents qui était à la manifestation. La somme (environ 4 millions FCFA) que ces parents ont levé doit servir à recruter des vacataires en attendant que le gouvernement affecte enfin les enseignants qu’il promet depuis 4 ans maintenant. Ces parents disent espérer qu’en voyant sur les réseaux sociaux des élèves et leurs parents en train de crier à tue-tête « on veut professeurs » que le gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre Robert Beugré Mambé et le ministre de l’Education nationale Mariatou Koné, prendra les mesures idoines pour sauver les enfants qui ne demandent qu’à étudier.
Au niveau de la DREN Abidjan 2, une de nos sources nous a affirmé que le décret présidentiel mentionné plus haut n’autorise plus les COGES à lever des fonds car les cotisations exceptionnelles étaient dorénavant supprimées. Ainsi, le ministère ne pouvait en aucun cas accepter une contribution numéraire pour régler un quelconque problème au niveau d’une école publique ivoirienne. « D’ailleurs vous remarquerez qu’à la manifestation, il n’y avait la présence d’aucun membre du COGES. Ce qui prouve que cette structure n’est pas partie prenante de ladite manifestation », nous a révélé notre interlocuteur qui assure que le ministère est conscient de cette situation qui touche l’ensemble du pays, et que des solutions y seront apportées selon les prérogatives de l’Etat qui seul peut recruter des enseignants au niveau des établissements scolaires publics.
Une position que ne réfute pas les manifestants. Selon eux, il s’agit d’une collecte des habitants du quartier qui ont leurs enfants dans cet établissement scolaire public. « Nous avons reçu l’aide de parents qui ne sont pas dans les environs et c’est ensemble que nous avons posé cet acte. Cette collecte n’est pas obligatoire, il faut le comprendre comme un geste pour que les vacataires qui viendront donner cours soient rémunérés. C’est un don que nous voudrions faire au COGES pour qu’il s’occupe de payer ces vacataires. Ce n’est donc pas le COGES qui est à l’initiative de cette cotisation », a tenu à préciser la dame qui nous a donné les informations sur la manifestation. « Il est ici question d’une initiative d’association de quartier qui refuse de voir l’avenir des enfants qui vont dans ce collège être hypothéqué à cause d’une gestion calamiteuse par nos autorités de la pénurie d’enseignants », a-t-elle expliqué.
À titre d’information, il faut préciser que l’enseignant dans ce collège va de la sixième à la troisième.
OG
PAUVRE ÉCOLE IVOIRIENNE
On n’a jamais cessé de le dire, la situation de l’école ivoirienne est des plus préoccupantes. Malgré tous les efforts de la ministre Mariatou Koné pour la remettre sur des bons rails, des insuffisances criardes plombent encore les investissements consentis. Il faut dire que Mariatou Koné a trouvé le système dans un tel état de délabrement moral, physique et organisationnel qu’il faudrait encore sûrement de longues années pour que la situation s’améliore. Sinon, comment peut-on accepter qu’un élève qui se trouve en classe de troisième n’ait jamais, depuis sa classe de sixième, suivi dans son établissement scolaire de cours de français, de mathématiques, de sciences de la vie, d’histoire etc. C’est quel genre d’individu que le système éducatif veut proposer à la Côte d’Ivoire de demain pour assurer son développement. Cette femme qui parlait sur les réseaux sociaux lors de cette manifestation a bien raison de dire ceci : « leurs enfants (nos gouvernants) ne sont pas en Côte d’Ivoire. Ils étudient dans les meilleurs lycées et collèges en occident puis iront dans les meilleures universités de ces pays pour revenir diriger nos enfants. Nos gouvernants font tout leur possible pour bloquer, brider ou empêcher que nos enfants aussi aient l’occasion demain d’être à la tête. C’est le but de cette école ivoirienne ». Quand on voit ce qu’il se passe, on ne saurait lui donner tort.
OG