Depuis quelques jours, la guerre est déclarée entre la mairie de Port-Bouët dirigée par le maire PDCI Emmou Sylvestre et le District d’Abidjan dirigé par le Gouverneur RHDP Cissé Ibrahim dit Bacongo. Au centre du litige, les dizaines d’hectares gagnés suite au déguerpissement qui a été opéré dans la zone. Ces terrains nus sont convoités par le District d’Abidjan qui affirme qu’ils lui appartiennent, quand la commune de Port-Bouët assure de son côté être dans son bon droit en stoppant une tentative de spoliation orchestrée par le District. Depuis cet incident où la commune a fait arrêter tous les travaux d’aménagement du District, les services de M. Bacongo ont pondu un communiqué pour indiquer que ces terres leur appartenaient. La riposte ne s’est pas faite attendre, la commune de Port-Bouët à son tour, à travers un communiqué, démonte tout l’argumentaire du District d’Abidjan. Voici le communiqué du Conseil municipal de la cité balnéaire.
Suite au déguerpissement du quartier Abattoir par le District Autonome d’Abidjan, les autorités municipales de Port-Bouët ont fait le constat de l’occupation et des travaux de construction de bâtiments autorisés par le District Autonome d’Abidjan sur le site déguerpi, ce au mépris des règles de courtoisie entre collectivités territoriales telles qu’elles résultent de l’article 7 de la loi N° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition des compétences de l’Etat aux Collectivités territoriales qui dispose que : « La réalisation d’un équipement sur le territoire d’une collectivité territoriale ne peut être entreprise par l’Etat ou par une autre Collectivité territoriale sans consultation préalable de la collectivité concernée».
C’est pourquoi, le Conseil municipal de la commune de Port-Bouët, par l’arrêté N°22-2024/MPB/SG du 02 octobre 2024, a ordonné l’arrêt de ces travaux.
UNE LOI COLONIALE ABROGÉE DEPUIS, POUR S’APPROPRIER DES TERRES DANS DIVERSES COMMUNES
Cependant, dans un communiqué de presse en date du 19 novembre 2024, le District Autonome d’Abidjan s’est exercé à justifier son droit de propriété sur ledit site en invoquant des dispositions de l’époque coloniale, notamment la loi N° 55-1489 du 18 novembre 1955 portant réorganisation municipale en Afrique Occidentale Française, en Afrique Equatoriale Française, au Togo, au Cameroun et à Madagascar, ainsi qu’un acte délibératif N°II-56 CP du 06 décembre 1956.
Le Conseil municipal de Port-Bouët voudrait faire observer que cette loi française ancienne, antérieure à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, a été abrogée par plusieurs instruments juridiques post-indépendance, et ne saurait donc justifier un droit de propriété du District Autonome d’Abidjan sur les domaines territoriaux de toutes les Communes d’Abidjan, comme il le note dans ledit communiqué en ces termes : « Tout le patrimoine de la commune d’Abidjan a été dévolu à la ville d’Abidjan ».
Le Conseil municipal tient à préciser que la propriété du quartier Abattoir est indubitablement établie par des nouveaux textes législatifs et réglementaires à l’occasion de la création de la Commune de Port-Bouet.
En effet, l’article 7 de la loi N°80-1180 du 17 octobre 1980 relative à l’organisation municipale modifiée par les lois N°85-578 du 29 juillet 1985 et 95-608 et 95-611 du 03 août 1995 dispose que « Les biens appartenant à une commune réunie à une autre ou situés dans les limites d’une portion de commune érigée en commune séparée deviennent la propriété de la nouvelle commune». Cette disposition est d’ailleurs consolidée par l’article 11 de la loi N°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, en ces termes : « Les biens appartenant à une collectivité territoriale réunie à une autre ou situés dans les limites d’une portion d’entité décentralisée érigée en collectivité territoriale séparée deviennent, sans compensation financière, la propriété de la nouvelle entité décentralisée».
DR. EMMOU OPPOSE À BACONGO LE DÉCRET N⁰ 80-1184
En outre, pour affirmer la pleine propriété du quartier Abattoir dans le patrimoine de la Commune de Port-Bouët, le décret N° 80-1184 du 18 octobre 1980, fixant le ressort territorial des communes de la ville d’Abidjan, précise en son article 4 ce qui suit : «… Sont inclus dans le périmètre de la commune de Port-Bouet les quartiers ci-après : – Zone industrielle de Vridi ; SO.GE.FI.HA-Vridi ; Petit-Bassam ; Abattoir ; SO.GE.FI.HA. I ; Camp-Militaire-Aéroport ; Port-Bouët (centre) ; Gonzagueville ; Abouabou, et les villages de : Brakré ; Vridi». L’Article 13 du même texte réglementaire conclut en ces termes : « Le présent décret abroge toutes dispositions antérieures contraires».
Il résulte de ce qui précède qu’aucun texte ne confère des droits au profit du District Autonome d’Abidjan sur le quartier Abattoir de Port-Bouet et sur les espaces environnant.
Le Conseil municipal réaffirme sa ferme protestation contre les tentatives d’appropriation irrégulière et inélégante du site du quartier Abattoir par le District Autonome d’Abidjan avec des actes de concession à des organismes industriels privés, ainsi que des constructions d’ouvrages sans lotissement approuvé, sans permis de construire, ni enquête d’impact environnemental et social.
Le Conseil municipal invite instamment le Gouvernorat du District Autonome d’Abidjan à se conformer à l’article 4 de la loi N°2014-453 du 5 août 2014 portant Statut du District Autonome d’Abidjan, en agissant dans le cadre de ses compétences « dans le respect de l’intégrité territoriale, de l’autonomie et des attributions des autres collectivités territoriales et en harmonie avec les orientations nationales».
Fait à Abidjan le 20 novembre 2024
Photo légendée : Entre Emmou Sylvestre et Cissé Bacongo, la guerre est-elle déclarée ?
NB : Les titres et le chapeau sont de la rédaction.
ENCADRÉ
District d’Abidjan :
« TOUS LES BIENS DOMANIAUX DE LA VILLE D’ABIDJAN SONT PASSÉS DANS LE PATRIMOINE DU DISTRICT D’ABIDJAN »
Voici le communiqué du District autonome d’Abidjan sur le litige foncier à l’abattoir de Port-Bouët
Communiqué de presse
Dans un post publié il y a quelques jours sur sa page Facebook, le Maire de la Commune de Port-Bouët a annoncé « la prise d’un arrêté ordonnant l’arrêt des travaux sur le site de l’ex quartier Abattoir », un site sur lequel le District Autonome d’Abidjan réalise en ce moment même des travaux d’aménagement.
Qu’en est-il ? La parcelle de terrain comprenant le quartier dit Abattoir et les infrastructures du même nom, est bel et bien la propriété du District Autonome d’Abidjan.
Cet ensemble immobilier a toujours appartenu aux différents démembrements qui se sont succédés à partir de 1955, à commencer par la commune d’Abidjan au District Autonome d’Abidjan en passant par la ville et le District d’Abidjan.
En effet, l’Etat colonial en créant la commune d’Abidjan, commune de plein exercice par la loi n°55-1489 du 18 novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en A.O.F, Iui a dévolu un patrimoine immobilier pour lui permettre d’accomplir ses missions de développe ment local.
Ainsi, Le quartier dit Abattoir de Port-Bouët, composé des infrastructures de l’Abattoir et des terrains environnants figurent au point V dans la liste des biens cédés à la commune d’Abidjan par délibération N. II-56 CP du 06 décembre 1956. Pour consolider la délibération, l’Etat a pris un acte de cession en faveur de la commune d’Abidjan en date du 17 août 1964.
Par ailleurs, La loi n°80-1182 du 17 octobre 1980 portant création de la ville d’Abidjan en rem placement de la commune d’Abidjan a prévu en son article premier que : « la commune d’Abi djan est dotée d’un statut particulier et prend la dénomination de la ville ».
Conformément à cette disposition, tout le patrimoine de la commune d’Abidjan a été dévolu à la ville d’Abidjan.
En 2001, la ville d’Abidjan est remplacée par le District d’Abidjan par la loi n°2001-478 du 9 août 200o1. L’article 121 de cette loi dispose que « le patrimoine et les biens domaniaux de la ville d’Abidjan sont transférés au District d’Abidjan. Le passif de la ville d’Abidjan est quant à lui dévolu à l’Etat ».
Ainsi, tous les biens domaniaux de la ville d’Abidjan sont passés dans le patrimoine du District d’Abidjan, devenu en 2014 District Autonome d’Abidjan par la loi n°2014-453 du 5 août 2014.
À cet égard, l’Abattoir de Port-Bouët et ses terrains environnant, les abattoirs de Yopougon et d’Abobo, les cimetières de Port-Bouët, Koumassi, Williamsville, Yopougon et Abobo, les jardins publics, les centres d’écoute, les locaux à usage de bureau, les pépinières, les fourrières et bien d’autres sont devenus la propriété du District Autonome d’Abidjan.
La mairie de Port-Bouët ne peut donc ni prétendre à un quelconque droit de propriété sur ces sites encore moins empêcher le District Autonome d’Abidjan d’effectuer des aménagements sur des sites qui relèvent de sa propriété exclusive.
Direction de l’Information, de la Communication et TIC du District