En Côte d’Ivoire, en raison de la montée des prix de l’énergie et de la nourriture, les familles les plus pauvres adoptent des stratégies jugées « négatives », c’est l’objet d’une étude récente de la Banque Mondiale. Parmi ces méthodes, un recours accru aux remèdes traditionnels aux dépens de la médecine conventionnelle.
La grande majorité des marchés en Côte d’Ivoire, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays, a une ou plusieurs site dédié à la médecine traditionnelle. Sur les étals, des tas de racines, de feuilles, d’herbes…
Selon les vendeurs, ces produits soignent les maladies communes, à l’image de ces écorces de manguier. « C’est efficace contre le paludisme, ça va te faire vomir la maladie d’un coup ! » assure le vendeur.
Un bouquet d’écorce coûte 500 francs CFA. C’est six fois moins cher qu’une boîte d’antipaludéens en pharmacie. Aline est venue spécialement pour acheter une décoction contre la diarrhée. Elle n’est pas contre les médicaments, mais « les choses sont chères et on n’a pas plus d’argent, donc on a recours à la tradition : ça nous aide énormément et ça nous guérit aussi.»
Selon l’étude de la Banque mondiale, les frais de transports et le coût des traitements en Côte d’Ivoire découragent les familles pauvres d’aller à l’hôpital. Un risque pour la santé des enfants notamment. Pour les premiers soins, les remèdes issus des plantes sont privilégiés. Selon l’ordre national des pharmaciens, la médecine traditionnelle est utile, mais doit être mieux encadrée.
9 Ivoiriens sur 10 se soignent chez les tradipraticiens
Le docteur Hervé Boni en est le secrétaire général. « Aujourd’hui, la médecine traditionnelle est beaucoup plus accessible pour les personnes aux faibles revenus, mais nous avons l’obligation de sécuriser l’acte médical dans la médecine traditionnelle», indique le pharmacien.
Selon le Programme national de promotion de la médecine traditionnelle, neuf Ivoiriens sur 10 y ont recours aujourd’hui.
Ce nombre de plus en plus important des personnes qui se tournent vers cette médecine montre une paupérisation accrue de la population, assure la Banque mondiale. Les Ivoiriens n’ont pas les moyens financiers d’aller dans un hôpital, y passer des examens, aller ensuite dans des pharmacies modernes pour acheter des médicaments aux prix rébarbatifs.
« À l’hôpital, il faut passer une série d’examens pour n’importe quelle maladie. Très souvent, les médecins exigent des radios avant de poser un diagnostic et après quoi, ils prescrivent des médicaments qui coûtent chers dans les pharmacies oú il faut se les procurer. Nous n’avons pas ces moyens là », décrit Savadogo qui est allé consulter une tradipraticienne assez connue au marché de Port-Bouët.
Aussi la médecine traditionnelle n’est plus un palliatif en Côte d’Ivoire, mais une alternative aujourd’hui et c’est ce qui inquiète les institutions internationales. Le risque étant qu’avec plus de 22 millions de personnes qui ont recours à la médecine traditionnelle, un médicament mal dosé n’entraîne des conséquences dramatiques. « Que pouvons-nous y faire ? La médecine moderne nous est fermée à cause des coûts. De toute façon, cabri mort n’a plus peur de couteau », répond Serge avec une philosophie toute ivoirienne.
Dodo Wlapkè
Photo légendée : Une vendeuse de médicaments traditionnels dans un marché d’Abidjan.