Incroyable mais vrai cette scène surréaliste qui s’est déroulée dans la nuit du lundi 21 octobre 2024 à l’hôpital général de Yopougon Attié non loin du quartier Sicogi. Aux alentours de 22h30 ce jour, M. Esmel Nomel Julien infirmier au service des urgences est de garde. Et c’est à cette heure tardive que deux (02) individus entrent dans l’hôpital transportant apparemment un malade très mal en point.
Ces individus sont sortis d’un véhicule avec leur malade au bras, mais comme le veut le protocole en pareille circonstance, lorsque des personnes transportent leur malade par leur propre moyen de locomotion, elles ne pénètrent pas avec lui vers des services médicaux. Mais, c’est plutôt l’aide-soignante qui part ramener un médecin qui à son tour, va se charger de constater si le patient ramené par les individus est encore en vie. Si c’est le cas, alors le médecin en question recourt aux brancardiers de l’hôpital afin de transférer immédiatement le malade vers un service compétent, à savoir soit les urgences soit dans la salle des femmes ou celle des hommes.
Mais lorsque l’aide-soignant a indiqué à ceux qui transportaient le malade qu’il partait chercher le médecin, ces derniers ont pris leur malade et sont entrés brusquement aux urgences sans attendre l’arrivée du médecin. Et c’est ainsi qu’ils ont rencontré l’infirmier Esmel Nomel, ce dernier alerté par leurs cris. Les individus, qui vraisemblablement avaient bien préparé leur coup se sont mis à hurler et crier aux urgences.
« Il n’y a personne ici pour s’occuper de notre malade ! Il n’y a personne dans cet hôpital pour sauver notre malade ! », scandaient-ils à tue-tête. Ce qui a amené l’infirmier Esmel Nomel à leur demander de se calmer en leur assurant que l’aide-soignante était allée chercher un médecin qui viendrait s’occuper du malade et de leur patient comme le recommandait le protocole. Mais, ces paroles ne les ont pas du tout apaisés.
« Non, il n’y a personne ici pour sauver notre malade ! Qu’est-ce que vous faites pour soigner notre malade ! », continuait de crier les individus qui avaient été rejoint par un troisième qui devait être le conducteur du véhicule. Entre-temps, l’infirmier Esmel Nomel essayait tant bien que mal de les calmer en leur disant qu’ils se trouvaient aux urgences où étaient pris en charge des patients avec des pathologies graves. Ils ne l’ont pas du tout écouté.
Leur malade sous le bras, ils ont poursuivi leur route en direction du chemin emprunté par l’aide-soignante. Chemin faisant, les individus ont vu un lit vide dans les urgences. Un lit dédié à la pédiatrie, c’est-à-dire pour les enfants malades dont l’âge varie entre 0 et 15 ans. Aussitôt, les individus en question ont déposé leur malade sur le lit qui devait servir au cas où un enfant malade se présentait aux urgences. Mais ce que ces individus ignoraient, c’est que des caméras disséminées un peu partout dans l’hôpital, donc aux urgences, enregistraient toutes les scènes depuis leur arrivée.
« Celui qui était près de moi a mis la main à la poche et a sorti un objet tranchant. C’était un trousseau de clés qui portait un objet tranchant, alors je lui ai dit de faire attention à ce qu’il comptait en faire. J’ai saisi sa main et son épaule pour ne pas qu’il m’agresse puis qu’apparemment il voulait en découdre avec nous qui l’empêchions de se débarrasser de son malade sans que ce dernier soit ausculté par un médecin. Quand je l’ai saisi, automatiquement ces autres compagnons s’en sont pris à moi en me frappant, me donnant des coups de poings. Ce sont ces trois personnes qui m’ont agressé physiquement. Des dames faisant partie du personnel de l’hôpital sont intervenues me demandant de ne pas répliquer et c’est ce que j’ai fait. Elles disaient M. Esmel ne réagissez pas, ne leur donnez pas l’occasion de vous faire porter le chapeau ! Je suis tombé à terre à cause de la violence des coups et c’est l’administrateur de l’hôpital aidé des médecins, du vigile et des collègues qui ont réussi à me dégager de leur furie », raconte Esmel Nomel.
La police a été immédiatement appelée et à leur arrivée, les trois quidams venus avec leur malade avaient disparu des lieux. Une dame arrivée, plus tard à l’hôpital en soutenant que le malade en question était un membre de sa famille, était aussi introuvable. Tout ce beau monde qui a orchestré une bagarre, pour soit disant pousser le personnel à s’occuper de leur malade, avait bel et bien disparu. Mais le plus surprenant, c’est que quand le médecin a touché le malade, il a tout de suite compris pourquoi ces individus ont forcé l’entrée de l’hôpital en ne se pliant pas au protocole en vigueur.
« Leur malade était déjà mort. Parce que lorsqu’un homme est mort déjà depuis plusieurs heures, on le sait. Le corps est glacé et la rigidité cadavérique est constatée », nous a indiqué l’infirmier Esmel Nomel.
C’est le lendemain, c’est-à-dire le mardi 22 octobre 2024 autour de 11h, parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement, que les parents du mort sont arrivés à l’hôpital pour présenter leurs excuses à cause des actes de fourberie et la barbarie utilisés pour faire pénétrer le cadavre au sein de l’hôpital. Venus réclamer le corps, seul un seul des agresseurs en la personne de Nekpé Hyacinthe est venu sur les lieux. Il a d’ailleurs été reconnu par l’infirmier Esmel Nomel. Tout ce beau monde s’est confondu en excuses, mais l’infirmier est actuellement en arrêt maladie. Il porte les séquelles de la bastonnade avec un œil au beurre noir bien visible.
L’hypothèse la plus plausible, c’est que les parents du défunt ayant constaté sa mort au domicile ont trouvé trop fastidieux le protocole où il fallait faire intervenir la police pour un constat et les tralala qui s’en suivraient, surtout cela a un coût financier assez lourd. Alors les membres de la famille ont ourdi ce plan qui consistait à faire croire que le malade mal en point était décédé à l’hôpital. Mais voici qu’on ne l’a fait pas au personnel de l’hôpital habitué à ce genre d’affaire. Alors quand les parents ont compris qu’un médecin aurait immédiatement deviné que le patient était bien mort avant son arrivée à l’hôpital, ils ont forcé l’entrée. Les choses entraînant les unes, les parents lancés dans leur volonté de faire constater le décès de leur malade après son arrivée à l’hôpital en sont venus à certaines extrémités.
Ainsi, même si l’attitude des parents est absolument condamnable et on ne sait pas encore quelles suites seront données par l’hôpital général de Yopougon Attié à cette affaire, c’est l’occasion de dire combien de fois les familles qui, à Abidjan, perdent l’un des leurs éprouvent des difficultés incommensurables à enterrer dignement le défunt. La cause, les épreuves financières pour trouver un cimetière qui accepte l’inhumation, le prix rébarbatif de la conservation du corps et autres. Une épreuve de plus dans la cohorte de cette cherté de la vie en Côte d’Ivoire qui se poursuit même dans la dernière demeure.
Dodo Wlapkè